Dans un contexte d’urgence climatique, le train apparaît comme la solution de transport la plus décarbonée et la moins énergivore pour les trajets longue distance. Pourtant, la voiture individuelle est toujours largement privilégiée, et le trafic aérien a été multiplié par 14 en 50 ans. Alors comment faire du chemin de fer français la pierre angulaire de la transition bas-carbone ? C’est la question que s’est posé le collectif Pour un réveil écologique, qui vient de publier un rapport passionnant de 124 pages sur la filière ferroviaire française. Dans cet article, on te présentes les 10 pistes qu'on a particulièrement retenu !
“Au-delà d’une simple arme électorale, le ferroviaire doit devenir la colonne vertébrale des mobilités et du transport de marchandises, pour des services sur lesquels le train est le plus pertinent.” - Pour un réveil écologique
Avant d’agir, encore faut-il (faire) comprendre pourquoi on le fait. "L’aérien ce n’est que 2 % des émissions”, “Le train, c’est pas si écolo que ça”, “L’avion zéro-carbone va arriver”… Voilà le genre de discours que l’on entend encore souvent (notamment via le lobby de l’aérien). Pourtant, le train, c’est en moyenne 80 x moins de CO2 que l’avion, et le mythe de “l’avion vert" (dont on te parle ici) a déjà été débunké plus d’une fois !
Pourtant, comme le souligne le collectif, le train est le moyen de transport :
D’un côté, la France accuse un retard significatif dans l’entretien de ses voies, signalisations et postes d’aiguillage, qui risque de se prolonger jusqu’en 2070 si rien n’est fait ! De l’autre, les lignes à grande vitesse impliquent un coût économique et environnemental très élevé .
Plutôt que de poursuivre de grands projets à très haute vitesse, le collectif Pour un réveil écologique suggère donc de concentrer les financements sur la modernisation des infrastructures (voies, aiguillages, signalisation) pour gagner en capacité et en fiabilité sur les lignes déjà présentes.
Selon le collectif, pour atteindre des objectifs de report modal (faire basculer le transport en voitures et camions vers le transport en train), pas de solution miracle : l’offre ferroviaire doit s’améliorer.
Le rapport propose un « choc d’offre » : plus de fréquences, de régularité et d’accessibilité tarifaire pour attirer les voyageurs et les inciter à se détourner de la voiture.
Quant à l’ouverture à la concurrence, elle est présentée comme un levier potentiel pour augmenter l’offre et réduire certains coûts, mais aussi comme un risque de fragmentation (complexification de la tarification, transfert de personnel anxiogène...).
Pour aller plus loin, on te conseille notre décryptage sur les conséquences de la privatisation du rail britannique !
Ces dernières années, le transport combiné (rail + route) s’est largement développé. Selon le collectif, il doit être soutenu pour en maximiser les avantages économiques et environnementaux.
Le rapport souligne ainsi la nécessité de moderniser le fret, avec « des sillons plus nombreux et de meilleure qualité », l’adaptation du gabarit aux conteneurs et la modernisation de la signalisation pour fluidifier la circulation, y compris transfrontalière.
Le rapport suggère plusieurs pistes : la mise en place d’une tarification intégrée à l’échelle des bassins de déplacements, l’expérimentation de titres uniques, et une plateforme centralisée pour les trajets longue distance ou internationaux (pour s’inspirer du modèle aérien).
Pour mieux comprendre le prix des billets de train, on t’explique tout dans cet article !
La France dispose des péages (frais d’accès aux voies) les plus élevés d’Europe car elle fait davantage payer les usagers pour entretenir et rénover son réseau. Pourtant, ces péages pèsent sur la rentabilité et freinent le développement de nouvelles dessertes, notamment régionales.
Pour le collectif, la baisse des péages (pour les TER) doit être conditionnée à une augmentation des investissements par les Régions dans la modernisation du réseau. Mais l'Etat a également un rôle important à jouer dans le financement.
En effet, selon Pour un réveil écologique, les péages ferroviaires ne suffisent pas à financer la modernisation du réseau. Le rapport propose plusieurs pistes pour diversifier les sources de financement : taxe sur l’aérien, renouvellement de concessions autoroutières, politiques de tarifs dégressifs pour encourager l’augmentation du trafic…
Sur les lignes électrifiées, « l’infrastructure représente aujourd’hui le plus gros poste d’émission » (surtout sur les lignes à grande vitesse). D’où la nécessité d’éco-concevoir et de réduire l’empreinte carbone des travaux (recyclage, engins de chantier plus propres…).
Même si le train émet environ 20 fois moins de CO2 par passager.km que la voiture, il reste en effet des leviers pour diminuer encore son empreinte :
Pour les lignes non électrifiées (qui ne comptent que 5,5 % des voyageurs.km mais la moitié des émissions du secteur), l’électrification est recommandée pour remplacer le diesel quand le trafic le justifie. Sinon, il faudra recourir à des rames bimodes ou à batteries. Quant à l’usage des biocarburants, l’association suggère qu’il soit minimisé et restreint aux engins de travaux, pour éviter les risques de conflits d’usage (puisqu’ils peuvent également servir à la fertilisation des terres agricoles, à la production de chaleur à partir de la biomasse, etc. (pour aller plus loin, on te renvoie vers cet article !).
Le collectif rappelle que la temporalité politique est souvent courte, tandis que la temporalité industrielle du ferroviaire, elle, s’étale sur plusieurs décennies.
Pour un système ferroviaire robuste et cohérent, le rapport propose plusieurs clés : une programmation pluriannuelle des investissementsune visibilité claire pour les acteurs, et la poursuite de l’interopérabilité au niveau européen (normes techniques, billettique, etc.).
Pour ne pas se cantonner à des choix dictés par l’électoralisme ou l’urgence ponctuelle, il semble nécessaire de mettre en place une meilleure coordination entre l’État, les Régions, les acteurs industriels et les gestionnaires d’infrastructure. Le collectif suggère notamment la création d’un Groupement des Industries Ferroviaires (GIFER).
La filière ferroviaire fait face à un besoin humain inédit (régénération du réseau, hausse de l’offre), nécessitant des formations adaptées et un vrai plan d’attractivité. “Les étudiant.e.s ont besoin de feuilles de route et de discours cohérents pour se projeter dans le secteur.”
Pour télécharger la note de synthèse du rapport du collectif Pour un réveil écologique sur le ferroviaire, c’est ici !