Alors que le gouvernement a lancé le 5 mai 2025 la “conférence de financement des mobilités”, Jean-Pierre Farandou, le président de la SNCF lance un cri d’alerte : sans financement supplémentaire, c’est tout le réseau ferré français qui risque de s’effondrer. Au micro de Tolt pour notre podcast “Je t’offre un rail ?” (le podcast qui te rend accro au train), il nous explique sans détour pourquoi la France doit investir un milliard d’euros supplémentaire par an dès 2028. Retour sur une situation critique… et des solutions concrètes, tant du côté de l'État que des citoyens !
Par souci de transparence, nous souhaitons préciser que la production de cet épisode a été financée par le groupe SNCF. Nous ne pouvons donc prétendre à une totale indépendance, cependant, nous avons eu carte blanche sur les questions et avons fait de notre mieux pour rester objectifs.
« On est à un moment de bascule : l’enjeu, c’est de trouver des financements. Concrètement, nous avons deux mois pour trouver la solution. » - Jean-Pierre Farandou, président de la SNCF
« Le réseau ferré français n’est pas en si bonne forme », reconnaît Jean-Pierre Farandou. Si la moyenne d’âge des rails est de 30 ans, de nombreux tronçons dépassent les 70, voire 100 ans. Les caténaires, elles, datent parfois de l’après-guerre. Résultat : des risques majeurs de panne et de ralentissement.
Or, une panne sur le réseau n’est pas un incident isolé. Elle entraîne des retards en cascade pour tous les trains paralysés en aval. « Quand le réseau est arrêté, c’est des dizaines de trains qui ne passent plus. » En cas de dégradation, il faut baisser la vitesse des trains pour des raisons de sécurité. Moins de vitesse, c’est plus de temps de trajet… et la confiance des usagers qui s’érode peu à peu.
Dès 2028, 4000 km de lignes risquent d’être concernés, impactant plus de 2000 trains par jour. Le Président de la SNCF le dit clairement : « Si on ne décide pas maintenant, ce sera irréversible. » Pour éviter la spirale infernale, un milliard d’euros par an supplémentaires est nécessaire à partir de 2028 pour maintenir et moderniser le réseau.
Conscient du problème, l’État a demandé un plan de régénération. Pour l’instant, c’est la SNCF elle-même qui finance seule « la régénération et la remise en bon état du réseau », à hauteur de 3,5 milliards par an. Mais, ces moyens ne suffisent pas face à l’ampleur des travaux. D’où cette conférence nationale lancée par le gouvernement le 5 mai 2025. Jean-Pierre Farandou insiste : « Il faut trouver 1 milliard de plus à partir de 2028. On a deux mois pour trouver la solution. Le besoin, on le connaît ». C’est une question de survie du service ferroviaire – ou comme il dit, un « point de bascule » tant pour la SNCF que pour les territoires qu’elle irrigue.
Aujourd’hui, la régénération du réseau est financée par les péages ferroviaires payés par les opérateurs… et par les bénéfices de la SNCF. Mais cela ne suffit plus. « La SNCF apporte déjà 3,5 milliards d’euros par an. Il en faut 4,5 pour tenir la route. » Ce milliard en plus, c’est à l’État de le trouver.
« Jusqu’au bout je me battrai pour que le train se développe dans ce pays, parce que je pense qu’il est du côté de la solution et qu’il est essentiel pour la transition écologique, pour l’aménagement du territoire, pour le transport de fret, pour relier l’Europe… »- Jean-Pierre Farandou, président de la SNCF
Comme Jean-Pierre Farandou le rappelle, la législation de 2018 a déjà créé un fonds public dédié au rail (alimenté par les bénéfices du Groupe SNCF), qui injecte 3,5 milliards par an au réseau mais qui reste insuffisant, donc. Historiquement, c’est la SNCF qui avait financé seule les lignes à grande vitesse, avant de voir 31 milliards de dette effacés par l’État français en 2020 pour la remettre à flot. Désormais, « on a des perspectives radieuses devant nous pour le ferroviaire français », à condition de « se mobiliser pour donner un coup de collier supplémentaire ».
Quoi qu’il en soit, le PDG de la SNCF défend les investissements à l’international (Espagne, Italie, USA…) en expliquant que « tout l’argent gagné revient au réseau français ». Mais il pose une limite claire : « Prenez tous les bénéfices, je veux bien. Mais je refuse de m’endetter à nouveau. »
Alors comment dégager ce budget critique de 1 milliard par an ? Jean-Pierre Farandou propose plusieurs pistes complémentaires, loin des querelles habituelles sur les péages et les billets. Pour lui, il existe des solutions concrètes et qui ont fait leurs preuves ailleurs en Europe :
Si la situation française inquiète, Jean-Pierre Farandou redoute surtout de reproduire l’erreur allemande. Il rappelle que l’Allemagne, pourtant champion de l’industrie, « est en train de se ramasser au plan ferroviaire » pour avoir « peut-être moins mis d’argent dans son réseau ». La ponctualité y a chuté à 60 % sur certaines lignes, faute de maintenance. En France, nous sommes toujours à 90 % de ponctualité. Mais pour combien de temps ?
En Suisse, les retards allemands sont tellement problématiques qu’ils perturbent la circulation… et les trains allemands sont désormais refoulés aux frontières suisses. Une scène que le Président de la SNCF nous invite - sans pincettes - à imaginer en France : si les trains français se voyaient refusés par nos voisins helvètes, « tous les Français seraient piteux et honteux ». Il conclut sans détour : « Ça, c’est ce qu’il se passe en Allemagne, et je ne veux pas que cela arrive en France ».
En France, les lignes Paris-Limoges ou encore Paris-Clermont-Ferrand sont emblématiques du problème. Jean-Pierre Farandou, à propos de cette dernière : « On met 1 milliard pour la remettre en état, mais c’est ce qui pourrait arriver partout si on ne réagit pas. »
La leçon européenne est nette : l’inaction coûte très cher en trafic perdu et en usagers déçus. En cas de refus collectif d’investir, le réseau risque de tomber dans une « spirale infernale », où « les pannes se succèdent, le train devient moins attractif et on perd la confiance des voyageurs ». Le Président de la SNCF souligne au contraire que si le milliard manquant est trouvé, on entrerait dans un « cercle vertueux » : « Là, on aura un réseau en bon état, on pourra développer les trains régionaux, les trains de nuit, les trains de fret, les TGV… pour irriguer tout le territoire ».
Quoi qu’il en soit, plusieurs de nos voisins investissent déjà massivement. L’Italie, par exemple, utilise son plan de relance pour moderniser son réseau. « On risque de se retrouver en deuxième division en Europe », s’inquiète Jean-Pierre Farandou. Or, le ferroviaire est un enjeu stratégique pour la souveraineté et la transition écologique.
Si les financements publics sont nécessaires, Jean-Pierre Farandou lance aussi un appel appuyé à la mobilisation citoyenne. Comment ? « Si vous êtes d’accord avec ce que je dis, exprimez-vous. Tweetez, interpellez vos élus. C’est le moment. »
Concrètement, qu’est-ce que tu peux faire ? Relayer des posts sur les réseaux sociaux, interpeller ton député… Chaque prise de position « compte », assure le Président de la SNCF, car « plus nos élus sentiront que ça pousse et que les Français en ont vraiment envie, plus cela les aidera à prendre les bonnes décisions pour maintenir en bon état ce bien commun ». En d’autres termes, plus la pression sera forte, plus le gouvernement aura intérêt à sécuriser ce financement de long terme.
Pour Jean-Pierre Farandou, la sauvegarde du réseau passe autant par l’engagement politique que par la conscience citoyenne : SNCF est « une boîte publique », un « équipement essentiel pour notre pays », à préserver coûte que coûte.
« La meilleure façon de nous aider, c’est de prendre le train. » Le message de Jean-Pierre Farandou est clair. Les Français sont déjà au rendez-vous : +15 % de fréquentation sur les TGV en 5 ans, +30 % sur les TER. « Les trains sont pleins, les Français veulent du train. »
Le train est « un bien commun légué par nos anciens », martèle Jean-Pierre Farandou. Un héritage collectif, qu’il est de notre responsabilité de transmettre en bonne santé aux générations suivantes. Il appelle à la responsabilité : « À nous de le transmettre en bon état. Ce réseau, il appartient aux Français. Nous, à la SNCF, on le gère pour eux. »
Finalement, celui qui a « animé sa vie autour des trains » en appelle aujourd’hui à une prise de conscience et à une action immédiate. Soit nous investissons dès maintenant pour régénérer le réseau, moderniser les lignes et faire du train l’épine dorsale de la mobilité bas carbone, soit nous laissons le système se dégrader, et avec lui, notre capacité à faire face à l’urgence écologique, au désenclavement des territoires et aux besoins des générations futures.
Le message est clair : le réseau ferroviaire français demande des actes – financiers et civiques – pour sortir de la crise et relever le défi écologique.
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