Il y a des trains qui sont plus qu’un simple moyen de transport et le Canfranero, qui relie Saragosse à Canfranc, en Espagne, en fait partie. Surnommé affectueusement ainsi par les Aragonais, ce train traverse des paysages spectaculaires, longe des villages isolés, et t’emmène jusqu’à la gare de Canfranc, un monument ferroviaire hors norme au cœur des Pyrénées. Fermée pendant deux ans pour travaux, la ligne a rouvert en juin 2025, et elle n’a jamais autant fait rêver.
Difficile de parler du Canfranero sans évoquer son terminus : la gare de Canfranc. Inaugurée en 1928, elle devait symboliser la grande liaison entre l’Espagne et la France. Avec ses 241 mètres de long et 365 fenêtres, elle impressionne par son allure de palais ferroviaire.
Mais l’histoire en a décidé autrement : en 1970, un accident côté français met fin au trafic international. La gare tombe en sommeil, avant de renaître récemment grâce à une restauration ambitieuse. Aujourd’hui, son bâtiment principal a été transformé en hôtel de luxe, tandis que la gare moderne se trouve juste derrière, toujours active pour accueillir les voyageurs.
Ne t’attends pas à un train dernier cri : le train Saragosse-Canfranc est un matériel ancien, sans bar ni services particuliers. Comme le raconte notre reporter Elsa : « Le train en lui-même est assez vieux et ne paye pas de mine, mais le trajet vaut vraiment le détour. On traverse d’abord les montagnes, puis le paysage devient très désertique, c’est assez impressionnant ! »
Eh oui, c’est bien le panorama qui est la star du voyage : gorges encaissées, forêts, villages suspendus, puis l’arrivée dans la vallée encaissée de Canfranc, entourée de pics.
La ligne Saragosse–Canfranc est née dans l’euphorie des années 1920, lorsqu’Espagne et France voulaient relier leurs réseaux par un grand axe pyrénéen. Elle est inaugurée en 1928 par le roi Alfonso XIII et le président français Gaston Doumergue. Pendant ses premières décennies, la gare internationale connaît un âge d’or : on y croise voyageurs, marchandises, douaniers, militaires et diplomates. Elle joue même un rôle stratégique durant la Seconde Guerre mondiale, servant de point de passage à des réfugiés, à des espions, mais aussi à des trafics plus obscurs, dont celui de l’or nazi.
© Elsa Beaudeux
Tout s’effondre en 1970, quand un accident détruit un pont côté français, au niveau de l’Estanguet. Le trafic international est stoppé net et jamais rétabli. La gare, trop grande pour un simple terminus régional, se vide peu à peu et sombre dans l’abandon. Pourtant, son aura ne disparaît pas : Canfranc devient un symbole, à la fois fantôme et légende, pour les passionnés de chemin de fer.
Un siècle plus tard, l’histoire connaît enfin un nouveau chapitre. En juin 2025, après deux ans de travaux, la ligne Huesca-Canfranc a rouvert avec un gain de temps d’environ 30 minutes. L’international n’est pas encore de retour, mais les regards sont déjà tournés vers Pau : côté français, SNCF Réseau a lancé une concertation en 2024 pour préparer la réouverture future du tronçon béarnais. Le rêve d’un Saragosse-Pau en train renaît donc peu à peu…
Aujourd’hui, le Canfranero 2025 part de la gare de Saragosse-Delicias, traverse Huesca puis grimpe dans les Pyrénées jusqu’à Canfranc. Le trajet dure environ 3h45, soit une demi-heure de moins qu’avant les travaux. Deux allers-retours quotidiens sont assurés, ce qui en fait une ligne encore modeste mais bien vivante. À bord, ne compte pas sur un bar ou des services particuliers : ce sont des trains régionaux simples, sans restauration. Mieux vaut prévoir de quoi grignoter et boire pendant le trajet. Si tu veux planifier ton trajet, pense à consulter directement les horaires du train Saragosse-Canfranc sur le site de la Renfe.
L’arrivée à Canfranc est un moment fort. On descend dans une gare modeste, construite derrière l’ancien bâtiment monumental. Ce dernier, restauré et reconverti en hôtel de luxe, trône fièrement face aux montagnes.
© Elsa Beaudeux
Et même si tu ne dors pas à l’hôtel, la façade mérite à elle seule le déplacement. Et tu comprendras pourquoi cette gare, autrefois surnommée la “cathédrale du rail”, continue de fasciner voyageurs et photographes.
Prendre le Canfranero, c’est vivre une expérience unique qui mêle patrimoine, paysages et mémoire collective. L’histoire de la ligne, faite d’ambitions grandioses, de gloires passées et de renaissances, donne une profondeur particulière à chaque kilomètre parcouru. Le trajet, lui, est une ode à la diversité des paysages aragonais : des plaines de l’Èbre aux vallées désertiques, jusqu’aux montagnes abruptes des Pyrénées. Et l’arrivée dans la gare monumentale de Canfranc, désormais restaurée, achève de donner à ce voyage un parfum de légende.
Ce n’est pas le train le plus confortable, ni le plus rapide. Mais c’est un train qui raconte une histoire, et qui incarne l’idée même de voyage en train : avancer lentement, voir les paysages changer, et sentir que l’on s’inscrit dans un récit plus vaste. Monter à bord du Canfranero, c’est participer à la renaissance d’une ligne mythique et soutenir l’espoir de son prolongement vers la France. Le voyage en train Saragosse-Canfranc devient alors une aventure à part entière, et une invitation à renouer avec le temps long du rail.
Cet article a été rédigé en partenariat avec l’Office Espagnol du Tourisme et l’Office de tourisme de Saragosse. Pour aller plus loin, rendez-vous sur https://www.zaragoza.es, une mine d’infos pratiques pour préparer ta halte !
Issue du monde de la communication et des médias, Sophie est Responsable éditoriale chez HOURRAIL ! depuis août 2024. Elle est notamment derrière le contenu éditorial du site ainsi que La Locomissive (de l'inspiration voyage bas carbone et des bons plans, un jeudi sur deux, gratuitement dans ta boîte mail !).
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