

Embarquer à Paris le soir pour se réveiller à Berlin ou Vienne au petit matin… Ça semblait presque trop beau pour être vrai. À peine lancés, et malgré leur succès de fréquentation, les trains de nuit internationaux Paris-Berlin et Paris-Vienne sont déjà menacés. Les deux lignes - opérées par ÖBB et SNCF Voyageurs et lancées respectivement en décembre 2023 et décembre 2021 - pourraient disparaître ou voir leur fonctionnement réduit dès décembre 2025. En cause ? L’État (qui menace de couper la subvention ayant permis le lancement des lignes), SNCF Voyageurs (qui semble « ne jamais avoir cru dans le potentiel des lignes de nuit internationales », selon le collectif Oui au train de nuit ), et un cadre européen qui ne facilite rien. Alors, clap de fin sur ces symboles de la relance ferroviaire européenne ? Pas forcément. Pour plusieurs collectifs citoyens, l’enjeu est clair : le Paris-Berlin et le Paris-Vienne ne doivent pas rejoindre la longue liste des trains de nuit sacrifiés. On t’explique tout.
Mise à jour du 30 septembre 2025 - L'annonce d'ÖBB ne s'est pas faite attendre : la compagnie autrichienne a déjà annoncé que les trains de nuit Paris-Vienne et Berlin-Paris s’arrêteront à partir du 14 décembre 2025. Mais ne perdons pas espoir pour autant et continuons à mettre suffisamment de pression du côté français : face à la demande, la ligne pourrait survivre, voire revenir plus tard. C'est ce qui s'est déjà passé en France concernant la ligne Paris-Perpignan-Portbou : la mobilisation a été telle que même après l'arrêt de la ligne, un accord a été annoncé quelques jours plus tard pour relancer la liaison. Ce que tu peux faire ? Signer et partager la pétition autant que possible !
Rien n’est encore joué. Si les trains de nuit Paris–Berlin et Paris–Vienne s’arrêteront peut-être le 14 décembre 2025, la bataille n’est pas perdue pour autant. D’abord, il est encore possible que la ligne ne s’arrête pas en décembre, même si chaque jour qui passe rend cette hypothèse moins probable.
“Pour cela il faudrait une décision imminente des autorités françaises, en raison des délais nécessaires pour réserver les sillons et organiser l’exploitation de la ligne”, nous explique Alexis Chailloux, responsable aérien et ferroviaire du Réseau Action Climat.
Mais surtout, le ministère des Transports a laissé la porte ouverte à une discussion budgétaire au Parlement : un budget d’environ 5 millions d’euros pourrait encore permettre de sauver les lignes.
Les deux prochains mois (novembre - décembre 2025) seront donc déterminants : les arbitrages budgétaires se jouent en ce moment même. Raison de plus pour agir maintenant.
« C’est maintenant que tout se décide. Si les parlementaires rétablissent la subvention dans le cadre du budget 2026, les trains pourraient rouler à nouveau dès le début d’année 2026, et éviter ainsi une rupture de service trop longue. » - Alexis Chailloux (Réseau Action Climat).
La mobilisation citoyenne est plus cruciale que jamais : au 23 octobre 2025, plus de 85 000 personnes ont déjà signé la pétition. L'objectif ? Atteindre rapidement les 100 000 signatures pour faire pencher la balance.
L’arrivée imminente de Jean Castex à la tête de la SNCF (nomination validée par le Parlement, prise de fonctions imminente) apporte aussi une lueur d’espoir. Lors de ses auditions parlementaires, il a affirmé son ambition pour la relance des trains de nuit, et a même spécifiquement mentionné devant l’Assemblée Nationale le 22 octobre que les lignes Paris-Berlin et Paris-Vienne feraient partie de ses “premiers sujets” lors de sa prise de poste.
De nombreux élus de tous bords (écologistes, socialistes, Renaissance, MoDem...) - Clément Beaune (ex-ministre des transports, Renaissance), Karima Delli (ex-présidente de la commission des transports du Parlement européen, EÉLV), Fabienne Keller (eurodéputée Renaissance), Olivier Jacquin (sénateur socialiste de Meurthe-et-Moselle) ou encore Louis Roquebert (président des jeunes en Marche) - ont également exprimé leur soutien au maintien des deux lignes (liste complète ici).
Autre motif d’espoir : en Europe, des opérateurs privés reprennent le flambeau lorsque les États se désengagent. C’est le cas tout récent du train de nuit Berlin–Stockholm, qui devait lui aussi disparaître. Finalement, un opérateur privé allemand, RDC Deutschland Group, a décidé en octobre 2025 de reprendre la liaison sans subvention publique, après l’arrêt du financement par le gouvernement suédois.
« Cet exemple est intéressant car cela montre que les lignes internationales peuvent être bénéficiaires, ce que pointait d’ailleurs le rapport du ministère des Transports en 2021, souligne Alexis Chailloux. C'est plutôt porteur d’espoir pour les lignes Paris-Berlin et Paris-Vienne. Néanmoins il est indispensable selon nous que l'État maintienne ses subventions, au moins pour aider au démarrage de ces lignes. Et qu’à terme l’Union européenne développe une vraie politique publique en faveur des trains de nuit, pour muscler le réseau de nuit en Europe. »
Une nouvelle preuve que l’histoire des trains de nuit n’est jamais écrite d’avance, et que tout peut encore basculer dans les semaines à venir.
À peine deux et quatre ans après leur lancement, le Paris-Berlin et le Paris-Vienne connaissent une fréquentation très encourageante : les trains sont bien remplis, preuve que les voyageurs européens sont au rendez-vous. Mais l’offre reste marginale : trois allers-retours par semaine seulement. L’objectif initial était de proposer une desserte quotidienne. Pourtant, le consortium des entreprises ferroviaires historiques, représenté par SNCF Voyageurs sur le tronçon français, n’a toujours pas trouvé de solution pour rendre le train quotidien. Résultat : une demande qui existe, mais un service qui reste insuffisant.
Cette sous-capacité entretient un cercle vicieux : trop peu de trains, donc moins de visibilité, moins de recettes, et in fine une rentabilité fragilisée.
Autre paradoxe : si SNCF Voyageurs opère ces trains de nuit sur le territoire français, elle ne les met pas en avant, puisqu’il est impossible d’acheter un billet pour le train de nuit Paris–Berlin sur l’application SNCF Connect. Résultat ? Beaucoup de voyageurs découvrent l’existence de cette liaison… après avoir pris leur billet d'avion.
Pas de billets sur SNCF Connect, aucune mise en avant commerciale… « Comment imaginer une vraie relance des trains de nuit en France si l’opérateur historique ne les rend pas visibles », s’interroge le collectif Oui au train de nuit ?
Jusqu’ici, l’État subventionne le lancement de ces lignes de nuit, considérées comme stratégiques pour la décarbonation du transport. Mais, dénonçant un manque d’engagement de l’opérateur français, le gouvernement menace désormais de retirer cette aide dès décembre 2025. Une décision qui irait à rebours de la demande grandissante pour les trains de nuit en France.
Aujourd’hui, subventionner un train de nuit international reste un parcours du combattant : les règles européennes sur les aides d’État sont si contraignantes qu’elles paralysent les projets. C’est l’une des raisons pour lesquelles il existe actuellement si peu de liaisons transfrontalières régulières.
Tant que l’Union européenne n’assouplira pas ce cadre, les États auront les mains liées pour soutenir financièrement les liaisons transfrontalières.
Pendant ce temps, l’avion continue de bénéficier de niches fiscales massives (pas de taxe sur le kérosène, TVA réduite…) : l’équivalent de 30 à 40 € de subvention cachée par billet.
Autrement dit : « on subventionne massivement le mode le plus polluant, tout en freinant l’aide au transport le plus vertueux », souligne le collectif Oui au train de nuit.
Ce scénario rappelle de tristes souvenirs. En 2015, les trains de nuit nationaux français avaient été présentés comme déficitaires et peu fréquentés… avant d’être supprimés avec l’aval de l’État.
Dix ans plus tard, le même schéma se répète : invisibilisation, sous-capacité, menace de retrait de subventions. Mais cette fois, il s’agit des deux seules liaisons européennes de nuit au départ de la France.
Pour le collectif Oui au train de nuit, la balle est d’abord dans le camp de SNCF Voyageurs. Les rames sont fournies par la compagnie autrichienne ÖBB, or il s’agit du principal poste de dépense d’un train de nuit, ce qui limite le coût pour SNCF Voyageurs. Ce que demande le collectif ? Déployer l’offre initialement promise : deux trains de nuit quotidiens, un vers Vienne et un vers Berlin.
Cela permettrait d’augmenter la capacité, d’améliorer la fiabilité et de tendre vers l’équilibre économique. Autrement dit, « c’est une opportunité unique pour le groupe SNCF de montrer qu’il croit à l’avenir des trains de nuit internationaux », souligne Nicolas Forien, membre du collectif.
Le deuxième levier est politique. Pour le collectif Oui au train de nuit, plutôt que de couper la subvention d’amorçage, l’État pourrait la renégocier pour renforcer l’offre et soutenir une desserte quotidienne.
Plus largement, il s’agit de rompre avec la stratégie du « laisser-faire » qui avait conduit à la disparition des trains de nuit nationaux il y a dix ans, et d’engager une politique déterminée pour soutenir la relance des trains de nuit internationaux.
Le collectif Oui au train de nuit appelle l’UE à prendre ses responsabilités : autoriser explicitement les subventions aux trains de nuit internationaux, au moins tant que l’aviation bénéficie d’un régime fiscal de faveur, avec notamment l’absence de toute taxe kérosène sur les vols européens.
« Impossible de parler de concurrence équilibrée quand l’aviation reste défiscalisée. » - Nicolas Forien, du collectif Oui au train de nuit
Mais le salut ne viendra pas seulement d’en haut. La mobilisation citoyenne est déjà massive (la première pétition Oui au train de nuit a dépassé les 200 000 signatures). Les voyageurs eux-mêmes disent haut et fort qu’ils veulent pouvoir traverser l’Europe autrement qu’en avion.
Aujourd’hui encore, nos voix peuvent faire la différence. Cette pression est essentielle car sans elle, l’histoire risque de bégayer une fois de plus. La mobilisation citoyenne a déjà porté ses fruits ailleurs : c’est grâce à elle que la ligne Paris–Tarbes a été maintenue.
Les Nightjet Paris–Berlin et Paris–Vienne ne doivent pas être vus comme des reliques, mais comme la première étape d’un réseau européen plus vaste : vers Barcelone, Milan, Copenhague, Malmö, Madrid, Venise ou encore Rome.
Alors, comment agir ? Si l’on ne veut pas regarder s’éteindre, une fois de plus, l’un des plus beaux symboles du voyage bas carbone en Europe… faisons-le savoir en signant cette pétition, et en répondant à l'appel à mobilisation ce vendredi 26 septembre 2025 à Paris - Gare de l’Est à 18h (plus d’infos sur les comptes Facebook et Instagram du collectif).
Pour comprendre où en est la France sur ses propres lignes de nuit, on t’explique tout dans cet article sur l’état des lieux du Réseau Action Climat sur les trains de nuit en France.
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Issue du monde de la communication et des médias, Sophie est Responsable éditoriale chez HOURRAIL ! depuis août 2024. Elle est notamment derrière le contenu éditorial du site ainsi que La Locomissive (de l'inspiration voyage bas carbone et des bons plans, un jeudi sur deux, gratuitement dans ta boîte mail !).
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